Ivan Mathie pratique la prise de vue urbaine et architecturale depuis 2009. C’est fort de ses premières expériences dans les métiers du spectacle vivant, du cinéma et de l’événementiel qu’il réalise des commandes aux délais serrés, maîtrisant la course folle des plannings et des déplacements tel qu’il est : en perpétuel mouvement. À l’image du vélo pliant qu’il embarque dans tous ses reportages, le photographe polyvalent sait s’adapter à ses commanditaires.

Au sortir des études, le premier achat d’Ivan, un pied et un objectif 24 mm à décentrement installent une rigueur photographique et lui permettent de composer des images d’architecture centrées, redressées, sérieuses.

Au-delà de l’apparente froideur de vues documentaires et fidèles, le photographe traque les « heures bleues », ces quelques minutes avant l’aube ou après le crépuscule, baignées d’une douce lumière qui installe reflets, irisations et opalescences sur les bâtiments. Ivan documente in situ ses prises de vue qu’il publie sur les réseaux sociaux en instantané, ouvrant la mise en abîme du photographe qui photographie ses shootings.

Il n’y a pas là la seule volonté de communication mais aussi la recherche d’une communauté, d’un partage d’images qui s’échappe de la commande pour glisser vers le spontané.

L’insatiable curiosité du photographe se déploie en parallèle à ses travaux en architecture dans les commandes qu’il réalise via The Featuring Collective, collectif artistique multifacette qu’il a co-fondé. Dans ce cadre, Ivan compose des prises de vue dans les domaines de la scénographie, de la mode, du design d’espace et d’objets, dirigeant son objectif vers le détail, le rendu minutieux, scintillant et iridescent. Une pratique nourrissant l’autre, à l’aise à toutes les échelles, il trouve là l’occasion de s’essayer au portrait, replaçant l’humain au cœur de ses images.

Le photographe tisse autour de lui un réseau pluridisciplinaire, s’engageant simultanément dans de multiples projets. Son activité kaléidoscopique se lit dans sa manière d’envisager la photographie comme pratique et comme médium. Pour l’une, il considère que les commandes ouvrent la possibilité de collaborations avec ses clients où les images se construisent ensemble. Pour l’autre, il voit sa discipline comme une façon de faire circuler des prises de vue qui font lien. En témoigne sa recherche sur « Une photographie relationnelle comme fait social total ».

La posture d’Ivan mêle une approche sensible, une attention à l’écologie (en attestent plusieurs cycletrips photographiques) et au territoire. Basé à Bordeaux, il considère son tissu local comme un substrat nécessaire à ses projets. Son regard se déploie dans des travaux plus personnels autour du territoire et de la ville au sens large, associant par exemple à Gradignan la métamorphose urbaine avec les portraits de celles et ceux qui l’animent, qu’il interroge sur leurs vécus. « Bons baisers de Libourne » fixe, à partir des créations de Caroline Melon et Jonathan Macias, l’évolution de la ville sur une durée de trois ans. Plus récemment, le projet entrepris avec la journaliste Anne-Sophie Novel envisage la création d’un journal de l’Entre-deux-Mers baptisé Ismée, associant territoire, écologie et pratiques artistiques. Un pas de plus dans le développement d’une éthique photographique plus sensible encore au territoire et à ses enjeux.

• Fanny Léglise, 23 novembre 2023

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